Valéry Giscard d’Estaing rend visite au Pape Jean Paul II

Il Manifesto, 1 novembre 2002:
LE PAPE CRAINT TROP DE LAïCITÉ

Jean Paul II se préoccupe des contenus «religieux et spirituels» de la future Constitution européenne. Il en a parlé hier pendant l’audience avec Valéry Giscard d’Estaing, président de la Convention. C’est Valéry Giscard d’Estaing, ex chef d’État français, lui-même qui, au cours de sa visite à Rome, a exprimé le désir d’être reçu par le pontife. Selon la salle de presse vaticane, au cours de l’entretien il a été question de la future Constitution et «de l’intérêt des communautés des croyants des pays européens - où ils sont la majorité - de voir que leur identité et leur apport spécifique à la vie de la société européenne ainsi que le statut dont ils jouissent en vertu des législations nationales sont respectés»… Giscard a dit: «Je pense que nous avons déjà fait un bon travail et nous ferons de sorte que les soucis manifestés par le saint père soient pris en considération».

LA «VISION CHRÉTIENNE». Le même thème a été au centre de l’entretien que le pontife a eu avec le nouvel ambassadeur de Belgique près le Saint Siège, Benoît Cardon De Lichtbuer… Jean Paul II a parlé de la réalité irréfutable de l’histoire et de la culture européenne. L’apport décisif du christianisme et de la vision chrétienne de l’homme pour l’histoire et la culture des différents pays font partie, selon le pape, d’un trésor commun et il est donc logique que tout cela soit intégré dans le projet de Constitution européenne. Il est encore plus important pour le pape que soient reconnues l’existence et la liberté d’action des églises et des confessions religieuses.

La Repubblica, 2 novembre 2002:
Interview avec Valéry Giscard d’Estaing

Vous venez de voir le Pape. Croyez-vous qu’il sera possible d’accepter la demande de l’Église d’insérer une référence aux valeurs chrétiennes de l’Europe dans les nouveaux Traités?
«Nous avons prévu un certain nombre d’articles qui décriront les valeurs de l’UE et là on pourrait y insérer une référence aux principes qui tiennent à coeur au Saint Père. D’ailleurs dans le Traité d’Amsterdam il y a des dispositions qui préfigurent une solution satisfaisante pour tout le monde».

D’autres opinions:

Lamberto Dini, membre de la Convention: il faut absolument «faire une tentative pour insérer une référence aux racines chrétiennes dans la future Constitution européenne. Nous aurons plusieurs entretiens avec Valéry Giscard d’Estaing ces prochains jours à propos de sa visite à Rome et nous allons certainement parler de ce thème». Dini n’oublie pas le «non» français qui s’opposait au mot «chrétien» dans la Charte des droits fondamentaux signée à Nice en décembre 2000. Et Dini de commenter: «Mais maintenant la situation politique française est différente, les majorités au sein de la Convention sont différentes. Ce qui ne signifie pas que nous entendons introduire un élément de confessionalité dans la future Constitution européenne. Mais nous ne pouvons quand même pas ignorer un aspect tel que l’héritage chrétien de l’Europe qui est inscrit dans notre Adn est qui est lié à tant d’autres aspects fondamentaux, tels que la valeur de la famille, de la vie humaine, etc.».

Giuliano Amato: Aussi le vice président de la Convention pour le futur de l’Europe, Giuliano Amato, est convaincu que dans le futur traité constitutionnel européen il faut mentionner les religions. Dans une interview au Sir, Amato se réfère au document sur la constitution européenne élaboré par le groupe des socialistes européens. «Dans ce document» - affirme le vice président de la Convention - «une mention est faite aux religions présentes en Europe afin qu’elles assument des responsabilités communes dans la vie européenne. En particulier on souligne l’apport des religions à la tolérance», au respect de la diversité, à la paix. De ce point de vue, selon Amato, il serait possible de rappeler le rôle des religions dans la construction de l’Europe dans la première partie du traité constitutionnel, par exemple «à l’article 2 consacré aux valeurs de l’Union». Quant à la possibilité de prévoir des structures permanentes de dialogue entre les institutions communautaires et les églises, «Ce problème» - explique Amato - «est lié aussi aux ententes et aux concordats que ces confessions religieuses ont déjà établis avec les États membres».